Communautés énergétiques et système électrique national, quelle cohabitation ?
1. Les communautés énergétiques pourraient ouvrir le système électrique à davantage d’acteurs
Plusieurs actions permettent d’ores et déjà aux collectivités et aux citoyens d’être des acteurs de la transition énergétique et du système électrique : autoconsommation, soutien aux projets EnR financés par le crowdfunding, voire contrats d’achat direct entre un producteur et un client sans recourir au marché sur le modèle du PPA (power purchase agreement) ….
Les communautés d’énergie renouvelables et les communautés énergétiques citoyennes (a priori sans restriction géographique) apportent un nouveau cadre organisationnel dans lequel pourront s’inscrire ces différentes opérations. Ainsi, si un projet énergétique porté par des collectivités, des citoyens et/ou des petites entreprises n’a pas nécessairement besoin de prendre la forme d’une communauté énergétique pour se réaliser, celle-ci devrait selon l’esprit des directives européennes lui garantir un accès au marché ou encore aux mécanismes de soutien existants, et donc encourager le développement de tels projets.
L’implication des citoyens et des collectivités au sein de communautés énergétiques pourra apporter des co-bénéfices en termes d’efficacité énergétique ou de réduction de la précarité énergétique. Par l’intermédiaire des communautés, qui pourront jouer le rôle d’agrégateur, un gisement de flexibilité supplémentaire précieux pourrait également être mobilisé, et ce d’autant plus que le véhicule électrique se déploiera au sein des ménages.
2. Le rôle des compteurs intelligents et des données dans le développement des communautés énergétiques
Les communautés énergétiques, pour se développer, doivent pouvoir s’appuyer sur un certain nombre de données :
- des données de consommations fines, dans le cas d’échanges d’énergie en leur sein : la remontée de ces informations de consommation est rendue désormais possible grâce aux compteurs Linky ;
- les données relatives aux participants au-delà de celles relatives à leur courbe de charge : l’organisation des communautés énergétiques va se heurter aux mêmes problématiques que l’autoconsommation collective en matière d’accès aux données. Il est en effet aujourd’hui compliqué pour les personnes morales organisatrices d’opérations d’autoconsommation collective de constituer une liste de points de livraison, avec les informations associées (nom ou raison sociale du titulaire, adresse, puissance souscrite), et ce, aux différentes mailles topographiques ou géographiques autorisées par les différents dispositifs. Les premiers projets se contentent souvent de réunir un cercle restreint de producteurs et de consommateurs, qui a été recruté au début du projet. Il s’agit cependant d’un chantier délicat, où la volonté d’agir en faveur d’une transition énergétique décentralisée se heurte aux problématiques de protection des secrets relatifs aux données (données à caractère personnel, informations commercialement sensibles) et aux investissements SI à réaliser par les gestionnaires de réseaux pour mettre à disposition de telles informations. De tels obstacles devront être levés pour permettre un développement effectif des communautés énergétiques.
3. Le recours aux communautés énergétiques ne doit pas être synonyme de communautarisme énergétique
La directive Électricité laisse aux États Membres la possibilité d’autoriser ou non les communautés énergétiques citoyennes à détenir ou exploiter des réseaux électriques. Cette liberté laissée aux États Membres a des conséquences potentielles importantes.
Il est difficile d’envisager des situations dans lesquelles des consommateurs et des producteurs se passeraient totalement des réseaux publics de distribution et de transport d’électricité. Au contraire, le déploiement des énergies renouvelables de façon bien plus diffuse que dans le modèle centralisé prévalant jusqu’à alors suppose une gestion plus proactive et intelligente des réseaux. Même avec les évolutions en cours, la nature des réseaux leur confère un avantage déterminant par rapport à une multitude de systèmes clos, permettant de mutualiser les moyens et de faire foisonner les productions autant que les consommations. Ainsi, il est important de retenir que le déploiement de l’autoconsommation collective et plus largement la mobilisation de citoyens et de collectivités au sein de communautés énergétiques devraient signifier une utilisation plus intelligente de ces réseaux plutôt qu’une alternative à ces derniers.
Les communautés énergétiques ont été pensées et doivent ainsi être vues comme des facilitateurs de déploiement des sources de production d’énergie renouvelable et comme des moyens d’accès aux marchés de l’électricité, et non comme des alternatives aux réseaux publics. Ainsi, la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a précisé que les communautés d’énergie renouvelable, mais également les communautés énergétiques citoyennes (avec renvoi à la refonte de la Directives Energies Renouvelables à ce jour) ne peuvent détenir ou exploiter de réseau.