Les fondamentaux socio-économiques
1. Les fondamentaux techniques
Un micro-réseau est généralement composé d’un ou plusieurs générateurs (installations de production d’électricité de sources renouvelables variables, mais également installations de production conventionnelles), d’installations de stockage d’énergie, de consommations, de moyens de réglage, de système de compensation et de systèmes d’informations. L’ensemble de ces technologies doit aussi permettre au microgrid de se déconnecter du réseau principal pour s’îloter – c’est-à-dire fonctionner indépendamment du réseau principal.
Le développement et l’exploitation des micro-réseaux induisent des défis techniques et technologiques de plusieurs ordres :
- il faut assurer la stabilité du microgrid en toutes circonstances, lorsque le microgrid est connecté au réseau principal ou lorsqu’il est déconnecté de celui-ci, lorsqu’il se connecte et se déconnecte : passer de l’interconnexion à l’îlotage peut induire d’importants déséquilibres offre-demande de puissance et, partant, des difficultés de réglage de la fréquence et de la tension. Le maintien de la stabilité et de la qualité du courant en mode îloté impose des stratégies de contrôle-commande élaborées tenant compte de l’ensemble des paramètres de production, de consommation et de stockage d’énergie. Un contrôleur du micro-réseau permet la connexion au réseau électrique intelligent et assure le contrôle de la tension, du flux d’énergie, le partage ou le délestage des charges, et prend en compte les contraintes du réseau public transmises par un bus de communication ;
- il faut également assurer la protection du micro-réseau en cas de défaillances ou de perturbations d’origines diverses sur le réseau principal : en cas de défaut, le micro-réseau doit être découplé rapidement du réseau principal pour protéger ses propres charges. Si la défaillance est imputable au micro-réseau, des fonctions de protection doivent pouvoir détecter les courants de court-circuit, dus à l’électronique de puissance des micro-générateurs, afin d’isoler la partie critique du micro-réseau. La conception et l’exploitation spécifiques des micro-réseaux nécessitent une étude des divers aspects de la protection du réseau en basse tension ;
- il faut déterminer les impacts qu’a le micro-réseau sur le fonctionnement du système électrique et les services, notamment les services système, que peut offrir le micro-réseau (amélioration de la fiabilité, réduction des pertes du réseau électrique, impact des micro-réseaux sur les stratégies futures de remplacement et d’extension des infrastructures de transport et de distribution, à l’échelle régionale, nationale et européenne).
2. Les fondamentaux économiques
Le système énergétique français repose sur un modèle économique organisé autour d’une production d’électricité centralisée. Cette configuration est progressivement remise en question par l’essor des installations de production décentralisée d’électricité d’origine renouvelable. Dans le même temps, selon RTE, le développement du réseau public de transport d’électricité pourrait être limité à l’avenir. Toujours selon RTE, l’opposition locale aux nouveaux ouvrages aériens du réseau public de transport – tels que des pylônes considérés comme peu esthétiques – serait de plus en plus forte, et l’enfouissement de ces ouvrages renchérirait leur coût de construction tout en repoussant leur mise en service.
À ce titre, certains pensent que le système électrique de demain pourrait s’écarter progressivement du modèle centralisé actuel au profit d’un modèle de proximité, avec un nombre croissant de microgrids permettant de produire puis de consommer localement l’électricité. Le développement des micro-réseaux pourrait ainsi constituer un complément au modèle traditionnel pour que le consommateur continue de bénéficier d’une énergie propre, fiable et bon marché.
En permettant de consommer localement l’électricité produite localement, le développement des microgrids, à différentes échelles du territoire, permet :
- d’augmenter la fiabilité et la sécurité énergétique (assurance de la fourniture en énergie même lors des pointes de consommation ou des blackouts) ;
- de réduire des transits sur les réseaux et donc permettre des économies de coûts de réseaux, à court terme (s’agissant des pertes électriques du réseau) comme à plus long terme (s’agissant des investissements sur les réseaux) ;
- de réaliser des économies de coûts de fourniture d’électricité (déplacement des charges au moment où l’électricité est moins chère à produire, optimisation de la fourniture d’électricité en fonction des prix de l’énergie sur les marchés et dans le microgrid) ;
- d’obtenir des bénéfices environnementaux (réduction de la consommation de combustible fossile, réduction des pertes thermiques, etc.).
Il faut noter que si l’électricité produite localement n’est pas consommée localement, elle est alors injectée sur le réseau amont qui devient un réseau de collecte qui peut alors nécessiter des renforcements.
3. L’impact sur le cadre réglementaire
Comment articuler l’essor des microgrids, qui profiteraient du mouvement de fond que représente le développement de la production d’électricité distribuée, et le principe de péréquation tarifaire qui sous-tend l’organisation du système électrique français ? La péréquation tarifaire permet de faire payer le prix d’un service de façon identique à tous les consommateurs faisant de l’électricité une utilisation équivalente, quelle que soit leur localisation. La péréquation est un outil de solidarité entre territoires urbains, ruraux et ultramarins. L’essor des microgrids, notamment s’ils répondent à une volonté d’indépendance énergétique des territoires, pourrait-il briser cet équilibre ? Comment faire vivre le principe de solidarité si des territoires équipés de microgrids consomment localement leur production propre d’électricité et n’ont recours au réseau national qu’à des fins de secours ?
L’ensemble des coûts d’investissement dans les réseaux publics de transport et de distribution, ainsi que les dépenses d’exploitation afférentes, sont supportés par les consommateurs et les producteurs et sont répercutés sur leur facture d’énergie, en fonction des flux physiques d’énergie qu’ils engendrent. Or, dans le cas du microgrid connecté aux réseaux publics d’électricité, comme plus largement dans le cadre de l’autoconsommation, l’utilisation des réseaux amont est réduite lors de la consommation de la production « locale ». Un tel constat pourrait conduire certains consommateurs à demander la diminution de leur contribution à la couverture des coûts de réseaux, ce qui pourrait ouvrir un débat sur le financement des investissements sur le réseau national de distribution et de transport d’électricité.
Néanmoins, ce raisonnement ne tient pas compte des multiples avantages, en matière de sécurité d’approvisionnement, de sûreté et de qualité d’alimentation notamment, que présente le raccordement aux réseaux publics. Les microgrids peuvent être considérés comme des outils complémentaires au réseaux publics d’électricité en tant que solution nouvelle aux problématiques précitées.
Les micro-réseaux pourraient constituer un outil utile pour organiser et gérer la production, la distribution et la consommation d’énergie au niveau local. Leur essor est à rapprocher des notions de « communautés locales d’énergie » et de « communautés d’énergie renouvelables », introduites par l’Union Européenne dans le 4ème Paquet Energie, dont la transposition en droit français est en cours.
Les communautés énergétiques locales
Enfin, les micro-réseaux sont indissociables de l’autoconsommation, notamment collective, qui se développe progressivement en France. L’autoconsommation, que la loi définit désormais comme le fait de consommer soi-même « et sur un même site tout ou partie de l’électricité produite par son installation, la part de l’électricité produite qui est consommée l’est soit instantanément, soit après une période de stockage », participe à une meilleure intégration de la production décentralisée aux réseaux.
L'autoconsommation