La R&D réinvente le système ferroviaire traditionnel
1. L’IRT Railenium
L’Institut de Recherche Technologique Railenium a pour mission de développer, par l’innovation collaborative, la compétitivité des entreprises de l’ensemble de la filière ferroviaire pour en faire un moteur de croissance et d’emplois. Railenium met en œuvre des partenariats d’innovation entre les industriels (gestionnaires d’infrastructures, opérateurs, constructeurs et sociétés d’ingénierie) et le milieu académique pour apporter des réponses de qualité aux enjeux de la filière ferroviaire.
La feuille de route de Railenium comprend trois programmes de recherche et innovation qui répondent aux besoins de la filière et préparent l’avenir du ferroviaire :
- un programme de centre d’essai ferroviaire dont l’objectif est double :
- rationaliser les coûts en mutualisant les moyens d’essais du secteur ;
- réduire les délais de mise sur le marché en validant le matériel sur centre d’essai plutôt que sur le réseau ferré national.
- un programme dédié à la modélisation et prévision ferroviaire : les outils numériques développés permettent d’accentuer la maîtrise technico-économique des composants ferroviaires et, ainsi, de maintenir l’avance technologique de la filière française. Ce programme comporte à la fois des sujets de prévision de durée de vie, de maintenance prédictive et de gestion de l’énergie ;
- un programme dédié au train autonome, destiné à préparer l’avenir du ferroviaire en France et dans le monde, en changeant radicalement de niveau de performance et de qualité de service.
2. La collaboration entre Railenium et SNCF dans le Smart grid ferroviaire
Railenium conduit actuellement plusieurs projets de R&D sur le Smart grid ferroviaire en partenariat avec SNCF et des membres de son réseau académique pluridisciplinaire. Ces projets se concentrent sur la modélisation des comportements des infrastructures électriques, du matériel roulant et des bâtiments ferroviaires, pour favoriser la mise en place d’une gestion de l’énergie multi-sources/multi-consommateurs. Les travaux s’appuient sur l’excellence scientifique des laboratoires partenaires, notamment dans les domaines de la modélisation en électrotechnique, réseau électrique et nouveaux vecteurs énergétiques et du traitement statistique des données massives. Au-delà des plus-values techniques des solutions étudiées et des aspects réglementaires, les enjeux économiques et environnementaux sont aussi mis en lumière pour éclairer la filière sur les bénéfices apportés par ces nouvelles solutions.
Concernant la gestion intelligente de l’énergie dans le transport ferroviaire, Railenium, associé à ses laboratoires partenaires, et SNCF se sont particulièrement intéressés à :
- l’impact de la récupération d’énergie dans un milieu ferroviaire et la mise en place d’un réseau Smart grid ferroviaire ;
- l’étude des nouveaux vecteurs énergétiques, comme l’hydrogène, pour la traction ferroviaire ;
- la création d’outils pour estimer le comportement de consommation d’énergie des gares.
Sous-station avec récupération d’énergie : démonstrateur de Smart grid ferroviaire en courant continu
En moyenne, plus de 30 % de l’énergie produite par le freinage d’un train se dissipe en pertes. Valoriser cette énergie perdue permettrait de réduire la consommation électrique du réseau ferroviaire de 5 à 20 %. Railenium en partenariat avec SNCF Innovation & Recherche, SNCF Réseau et SNCF Mobilités s’est lancé le défi de rendre réversible une sous-station d’alimentation électrique des trains pour récupérer l’énergie de freinage et la renvoyer vers le réseau de transport d’électricité. Le Centre de Recherche en Informatique, Signal et Automatique de Lille (CRIStAL) et le Laboratoire d’Électrotechnique et d’Électronique de Puissance de Lille (L2EP) se sont associés à ce défi.
Le démonstrateur de Smart grid ferroviaire qui a ainsi vu le jour comprend un onduleur visant à réduire les coûts d’électricité de traction, en valorisant l’énergie de freinage des trains sur le réseau 1 500 Vcc. Ce démonstrateur, implémenté sur le Réseau Ferré National dans la sous-station de Masséna (ligne C du RER), est équipé d’instruments de mesure afin d’observer le comportement énergétique des sous-systèmes ferroviaires. À cette expérimentation s’adossent deux volets de recherche :
- Le premier concerne la modélisation statistique de l’énergie de freinage à partir de l’analyse des données issues du démonstrateur (mesures in situ). Ces données et les traitements statistiques associés servent à identifier des indicateurs permettant de détecter des dysfonctionnements, à anticiper la maintenance des sous-systèmes (bâtiments, caténaires, matériels roulants, etc.) et à évaluer les opportunités et les freins à un éventuel déploiement sur l’ensemble du réseau.
- Le second volet, basé sur la simulation, porte sur la valorisation de l’énergie de freinage au sein d’un Smart grid ferroviaire. Il s’agit de simuler plusieurs topologies de Smart grids (parmi une cinquantaine de possibilités étudiées) permettant d’alimenter, à partir de différentes sources de puissance (dont l’énergie de freinage), des bâtiments, des systèmes de stockage électrique ou d’autres charges ferroviaires.
Les impacts attendus de ce projet sont :
- l’allégement de la facture énergétique et l’optimisation de l’efficacité énergétique et de l’empreinte environnementale du système ;
- la diminution des coûts de maintenance, grâce aux outils de contrôle et de détection des défauts, et l’augmentation capacitaire du trafic grâce à la maintenance prédictive ;
- l’optimisation de la performance du réseau, l’évitement des arrêts intempestifs des trains et l’amélioration de la fiabilité d’exploitation.
Au terme de ce projet, lancé en mai 2016, la faisabilité technique du dispositif sera validée et un modèle économique adapté pour son déploiement, ainsi que les verrous réglementaires freinant sa généralisation, seront identifiés.
Hybridation des trains : des nouveaux vecteurs énergétiques comme alternative à la traction thermique
Pour respecter les objectifs de la transition énergétique, le secteur des transports français devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 65 % à l’horizon 2050. À ce titre, le report modal vers des transports non-carbonés, notamment le ferroviaire, associé à une amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules et la réduction de l’intensité carbone des carburants sont devenus une priorité pour le secteur. Bien que le transport ferroviaire français émette peu de GES, étant donné l’utilisation importante d’électricité issue de production nucléaire pour la traction, des améliorations sont encore à envisager. Autour d’un quart de l’énergie consommée par la traction ferroviaire est produite grâce au diesel, ce qui représente plus de la moitié des émissions de CO2 pour la traction. Railenium participe avec SNCF I&R et l’institut FEMTO-ST (Franche-Comté Électronique Mécanique Thermique et Optique – Sciences et Technologies) au développement des solutions innovantes pour réduire l’empreinte environnementale et la consommation énergétique de la filière.
À travers une étude de faisabilité technico-économique sur les alternatives énergétiques pour la traction ferroviaire, l’alimentation des trains fonctionnant au diesel est repensée pour être plus performante et moins énergivore, par le biais notamment de l’hybridation qui utilise des systèmes de stockage d’énergie embarqués (de type batteries, par exemple). L’objectif est de trouver des alternatives à la consommation de diesel et de réduire la consommation d’énergie en récupérant l’énergie perdue lors des phases de freinage pour la réutiliser dans le fonctionnement du train. Cela permet aussi une réduction des émissions de GES et de polluants tels que les oxydes d’azote et les particules fines. Les travaux de recherche sont par ailleurs concentrés sur le remplacement des moteurs diesel par des piles à combustible. L’hydrogène, combiné à des systèmes de stockage d’énergie, offre une alternative silencieuse et « zéro émission » à l’utilisation du diesel.
Cette étude de faisabilité participe ainsi à la décarbonisation des transports, qui passe par la conception d’un système ferroviaire plus propre capable d’en finir avec l’exploitation thermique. Ce faisant, elle contribue à l’acquisition d’une certaine maturité des technologies pour des déploiements à grande échelle.
Big Data des gares : outil de modélisation statistique pour l’estimation de la consommation d’énergie d’une gare
Les 3 000 gares du réseau SNCF représentent un enjeu important en termes de consommation d’énergie. La compréhension de leur consommation est devenue une nécessité pour l’optimisation de celle-ci qui permettra de répondre aux nouvelles exigences de la gestion intelligente de l’énergie. L’outil statistique développé dans ce projet permet d’estimer la consommation d’une gare donnée à partir de différentes variables, notamment sa superficie, son implantation géographique et sa fréquentation. Railenium et SNCF I&R sont à l’origine de ce projet qui a mobilisé le Centre de Recherche en Informatique, Signal et Automatique de Lille (CRIStAL).
Le projet a exploité des relevés de consommation électrique des gares pour établir des modèles statistiques de la répartition de la consommation par poste (éclairage, chauffage, etc.). L’outil de simulation développé permet de prévoir la consommation théorique des nouvelles gares, repérer plus facilement les dérives de consommation, étudier leur potentiel d’effacement et optimiser la gestion de leur consommation énergétique. L’outil serait, à terme, à même de permettre une facturation de la consommation d’électricité des différents services en gare plus proche de la consommation réelle (et non sur une moyenne de référence fixée en fonction de la surface du service, comme cela se fait actuellement) et de prédire la consommation de nouveaux équipements à installer.
L’expérimentation semi-virtuelle pour booster l’innovation énergétique