Les offres de raccordement intelligentes
La solution de raccordement de référence (ORR) proposée au producteur par le gestionnaire de réseaux publics de distribution ou de transport est traditionnellement dimensionnée pour permettre aux installations de production d’injecter à tout moment leur production à la puissance active maximale demandée lors du raccordement. Cette possibilité peut toutefois impliquer en pratique la réalisation de travaux importants pour permettre le raccordement, ce qui peut, selon les circonstances, conduire à imposer des coûts importants au producteur, un délai pour la mise en service ou encore des limitations temporaires d’injection de la puissance active le temps de réaliser les renforcements.
1. Problématiques du raccordement
Prenons l’exemple d’un producteur photovoltaïque souhaitant se raccorder sur le réseau HTA (réseau public de distribution à moyenne tension). Le réseau HTA existant passe à proximité du champ de production photovoltaïque.
Pour effectuer le raccordement de cette installation au réseau électrique, le gestionnaire de réseaux va étudier plusieurs solutions de raccordement. La première solution est de raccorder le champ photovoltaïque au réseau HTA le plus proche. Si cette option ne permet pas de répondre à l’injection de puissance demandée, le gestionnaire de réseaux crée alors un départ dédié à l’installation, c’est-à-dire une nouvelle ligne HTA reliant l’installation au poste source (interface entre le réseau de transport et le réseau de distribution) existant ou renforce le réseau. La création de ce départ peut être coûteuse et source de délais.
2. Le principe de l’offre de raccordement intelligente
C'est dans ce type de cas de figure que les offres de raccordement intelligentes (ORI) émergent comme une solution innovante à proposer au demandeur du raccordement. Elles sont un moyen efficace d’optimiser le dimensionnement des ouvrages propres et de réduire les délais de mise en service des raccordements. Le demandeur peut consentir à avoir des limitations ponctuelles en injection ou en soutirage en cas de contrainte réseau pour bénéficier d’ouvrages de raccordement moins coûteux et/ou d’un raccordement plus rapide. Ces offres favorisent ainsi le développement des énergies renouvelables et des actifs flexibles tout en diminuant le coût pour la collectivité.
Le producteur photovoltaïque pourra, dans notre exemple, diminuer largement la longueur de son raccordement au réseau et limiter son coût en se raccordant sur le réseau HTA existant à proximité.
Un tel raccordement permet donc au producteur de réduire ses coûts si il accepte de limiter ponctuellement son injection d'électricité sur le réseau. Cela représente une petite partie (de l'ordre de quelques pourcents) de l'énergie qu'il injecte annuellement.
Dans l'exemple ci-dessous, c'est maintenant un producteur Eolien qui dispose d'une ORI. Dans le rare cas ou il produit à puissance nominale (10 kVA) et ou l'installation PV raccordée à la même ligne disposant d'un ORR injecte elle aussi à puissance nominale (10kVA), le producteur éolien est bridé et la puissance qu'il ne peut injecter sur le réseau est écrêtée.
Enfin, c’est également un moyen de raccorder davantage d’installations de production sans devoir réaliser de nouveaux investissements onéreux dans le réseau existant.
L’offre de raccordement intelligente n’a pas vocation à constituer un mécanisme de gestion des congestions en amont du raccordement. D’autres mécanismes peuvent être mobilisés à cet effet.
3. Et dans les faits ?
A la suite d’une recommandation de la CRE dans sa délibération du 12 juin 2014, des expérimentations sur les ORI ont eu lieu ces dernières années concernant les installations de production raccordées en HTA, et sont désormais terminées avec un retour d’expérience positif. En 2017, Enedis a ainsi testé deux opérations de raccordement intelligentes avec des producteurs d’énergie renouvelable dans le cadre du démonstrateur Smart grid Vendée. Le parc éolien de Chauché et la centrale photovoltaïque de Talmont-Saint-Hilaire en Vendée ont bénéficié d’un raccordement plus rapide et à moindres coûts, en échange d’un écrêtement de l’injection sur les réseaux de leur production lorsque des contraintes apparaissent sur le réseau public de distribution.
Deux types d’offres ont été expérimentées, avec des raccordements :
- à une puissance de raccordement inférieure à la puissance de raccordement demandée tout en permettant des injections ou des soutirages complémentaires sur certaines périodes ;
- ou à une puissance de raccordement égale à la puissance de raccordement demandée tout en limitant les injections et soutirages sur certaines périodes.
Le principe des ORI peut d’ailleurs s’appliquer également aux installations de consommation et de stockage. En date du 12 décembre 2019, la CRE a adopté deux délibérations dans lesquelles elle demande aux gestionnaires de réseaux d’intégrer les ORI dans leurs procédures de traitement des demandes de raccordement.
Depuis, le cadre réglementaire a su évoluer pour permettre et faciliter le déploiement des ORI avec l’arrêté du 12 juillet 2021 qui en application de l’article D342-23 du code l’énergie détaille les conditions permettant aux producteurs EnR en HTA relavant d’un S3RENR de demander une offre de raccordement alternative à modulation de puissance (ORA-MP). En particulier, l’arrêté précise que les limites en injection de l'offre de raccordement alternative respectent les seuils suivants :
- La puissance minimale non garantie en injection est inférieure ou égale à 30 % de la puissance de raccordement demandée ;
- L'énergie écrêtée annuellement ne dépasse pas 5 % de la production annuelle de l'installation raccordée.
Si plusieurs gestionnaires de réseaux proposent déjà des ORA-MP, mentionnées plus haut, et les ont intégrées à leur Documentation technique de référence. Cependant, le nombre de demandes pour ces dernières reste encore faible et seuls Enedis et EDF SEI ont reçu des demandes en 2022 avec respectivement 22 et 3 demandes. Sur les 3 demandes reçues par EDF SEI, seule une était compatible avec les seuils définis par l’arrêté. De son côté, Enedis a émis 3 propositions techniques et financières (PTF) qui ont été acceptées, 2 demandes sont encore en cours d’étude et 17 demandes n’ont pas abouti, majoritairement en raison d’un manque de pertinence en comparaison de l’ORR (8 cas sur 17) ou d’un non-respect du seuil en puissance (6 cas sur 17).
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