Le cas des ZNI : développer du stockage pour accompagner la pénétration des énergies renouvelables intermittentes et en réduire le coût pour la collectivité
Face à des coûts de production élevés liés aux spécificités des zones non interconnectées (ZNI) et à la nécessité de décarboner la production d’électricité, le développement du stockage s’y avère particulièrement pertinent. La CRE recommande de privilégier le développement de stockage centralisé sur ces territoires.
1. Le stockage permet de répondre à de multiples enjeux dans les ZNI
Dans les ZNI, le stockage peut permettre de répondre à de multiples enjeux, parmi lesquels :
1. L’intégration des énergies renouvelables intermittentes à moindre coût.
Ayant hérité de mix électriques très carbonés, les ZNI se sont dotées d’objectifs de transition énergétique ambitieux. Leurs programmations pluriannuelles de l’énergie prévoient notamment des objectifs de développement des énergies renouvelables intermittentes conséquents.
L’intégration des énergies renouvelables constitue un enjeu particulier pour les systèmes électriques des ZNI du fait notamment de leur taille réduite et des faibles possibilités de foisonnement. Afin de garantir la sûreté du système électrique l’article L. 141-9 du code de l’énergie prévoit que le GRD puisse déconnecter les dernières installations photovoltaïques ou éoliennes raccordées au réseau lorsque la puissance cumulée injectée par les moyens de production intermittents dépasse un certain seuil défini par la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) de la ZNI considérée.
Le stockage d’électricité peut participer à limiter la déconnexion de cette production et donc à mieux intégrer les énergies renouvelables intermittentes.
2. La diminution des surcoûts de production et donc des charges de service public de l’énergie qui financent la péréquation tarifaire.
En sus de la fourniture de réserve de puissance pour le réglage de la fréquence en substitution des groupes thermiques, le report de charge – en contribuant à l’alimentation de la pointe de consommation par de la production stockée en heures creuses – permet de favoriser l’appel des moyens de production fonctionnant en base au détriment des moyens de pointe plus onéreux. De telles utilisations du stockage peuvent permettre des économies de coûts variables de production – notamment de coûts de combustible et de maintenance – mais aussi de coûts fixes grâce à d’éventuels reports d’investissements dans les moyens de production.
3. La diminution des coûts d’acheminement de l’électricité – et donc indirectement du TURPE – notamment grâce au traitement des contraintes en tension et en intensité des réseaux de distribution et de transport.
Le traitement des contraintes en tension et en intensité des réseaux de distribution et de transport – grâce à la modulation des puissances électriques injectées ou soutirées sur une portion de réseau au moyen d’un stockage – est susceptible de permettre l’optimisation de la gestion des flux d’électricité et ainsi, de diminuer les besoins d’investissements en renforcements ou d’en favoriser le report, et donc de réduire les coûts de réseaux.
2. Privilégier le développement du stockage centralisé
Le stockage permet de faire face à la variabilité des énergies renouvelables – dont les impacts sont plus importants que sur le réseau métropolitain eu égard à la taille et à la meilleure résilience de ce dernier – et constitue un moyen d’augmenter le seuil d’injection instantanée. Pour en assurer le développement, la loi prévoit que les ouvrages de stockage centralisés pilotés par le gestionnaire de réseau peuvent être compensés au titre des charges de service public de l’énergie dans la limite des surcoûts de production qu’ils permettent d’éviter.
Pour organiser le développement et sélectionner des projets de stockage appropriés, la CRE a défini à l’issue d’une consultation publique une méthodologie d’instruction qu’elle a publiée dans sa délibération du 30 mars 2017. Cette méthodologie prévoit que le gestionnaire de réseau indique les prescriptions techniques nécessaires pour optimiser le dimensionnement du stockage au regard des besoins du système électrique.
La méthodologie précise les modalités de calcul des surcoûts évités et d’expertise des coûts efficaces du projet et permet une analyse conjointe du projet au titre des charges de service public et du TURPE à hauteur au maximum des coûts de production et de réseau évités.
Ce modèle de développement du stockage coexiste avec celui des appels d’offres « photovoltaïques + stockage » ou du tarif d’achat « éolien cyclonique » qui conduisent au développement de petits dispositifs de stockage couplés à une installation de production et permettant d’assurer des services limitativement définis par les cahiers des charges.
La CRE considère que le développement du stockage centralisé est plus efficace que le développement d’installations couplant production et stockage. Alors que le stockage s’inscrit dans une logique concurrentielle et répond à des signaux de prix en métropole, il n’existe pas de marché de l’électricité, ni donc de signaux de prix, dans les ZNI. En conséquence, un stockage centralisé permet d’apporter des services mutualisés au système électrique, évolutifs dans le temps en fonction des besoins, et ce à un coût moindre eu égard aux économies d’échelle dont peuvent bénéficier des dispositifs plus grands.
La CRE a organisé en 2017 le premier guichet de stockage dans les ZNI. Elle a instruit 46 projets en Corse, Guadeloupe, Guyane, Martinique ainsi qu'à la Réunion et en a sélectionné 11 lors de sa délibération du 4 octobre 2018. La puissance totale installée retenue pour ce guichet s’élève à 50 MW en injection. Le financement de ces projets engendrera des charges de SPE d’environ 80 M€ environ sur leurs durées de vie. Selon l'estimation de la CRE, les surcoûts de production évités par ces projets s'élèvent à 450 M€, soit une économie de charges de SPE de 370 M€ sur les 25 prochaines années.
Par ailleurs, la CRE a annoncé le 17 juillet 2018 l’organisation d’un guichet de stockage à Mayotte se terminant le 17 avril 2019. Sur les 17 projets reçus, la CRE en a sélectionné 2 pour une puissance totale d’environ 11 MW. Si le financement de ceux-ci engendre des charges de service public de l’énergie (SPE) de 33 M€ sur leurs durées de vie, la CRE a estimé les surcoûts de production évités par ces projets à 72 M€, soit une économie de charges de SPE de 39 M€ sur les 25 années à venir.
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